VII
L'�tage sup�rieur du Kiosque. -
La salle des Troph�es.
La porte par laquelle on entre dans l'escalier
qui conduit � l'�tage sup�rieur est encadr�e par des montants et un tympan
en marbre. Les marches de l'escalier sont �galement en marbre. On arrive
d'abord sur un palier, en face duquel se trouve la porte des cuisines
actuelles du palais. Ces cuisines sont install�es dans une maison qui
faisait partie des d�pendances de Dar oum-en-Noun, patrimoine du bey,
et n'ont rien d'int�ressant; la cour, v�ritable puits o� l'air p�n�tre
avec difficult�, est tr�s �troite et entour�e de deux �tages d'arcades.
Du
palier, l'escalier de marbre tourne brusquement � droite et atteint la
galerie du premier �tage, fid�le r�p�tition du clo�tre qui existe au rez-de-chauss�e.
Seulement ici les colonnades sont plus sveltes, et par suite les arcades
plus l�g�res. Autour du p�ristyle et � hauteur d'appui r�gne une balustrade
en bois peint. Le sol est en marbre et en fa�ences de couleur. La principale
des galeries, celle qui fait face � l'escalier, est aujourd'hui ferm�e
par un vitrage.
Cette galerie servait autrefois d'entr�e � plusieurs chambres. On a abattu
les anciens murs de s�paration et on est parvenu ainsi � faire deux vastes
pi�ces carr�es. L'une d'elles sert actuellement de salle � manger et l'autre
de salon officiel de r�ception. Les jours de grande f�te, on �te les portes
de communication et on improvise de cette mani�re deux pi�ces spacieuses.
Le grand salon est d�cor� d'une immense glace de Venise, surmont�e de
trumeaux en bois dor� que le bey fit venir � grands frais d'Italie.
Par l'une des portes lat�rales du grand salon de r�ception, on p�n�tre
dans la salle dite des Troph�es, dont la physionomie toute particuli�re
s�duit au premier aspect.
Trois colonnes de marbre minces et cannel�es en spirale se dressent avec
�l�gance, servant de support aux ais du plafond, auxquels sont suspendues
des lanternes colori�es d'un fort joli mod�le, ainsi que deux lustres
avec girandoles en verroterie dans le go�t italien et qui datent du temps
du bey. Dans le milieu de la longueur de la pi�ce, on voit un koubou,
entour� de divans. A droite et � gauche de cette alc�ve sont deux portes
dont les panneaux sont recouverts en entier par de grandes glaces enserr�es
dans une boiserie garnie d'enluminures. La porte de droite donne dans
un petit cabinet; celle qui lui fait pendant ouvre dans un autre petit
salon. Trois fen�tres prennent jour sur une galerie, une autre sur un
jardin et enfin au fond existe un balcon, sorte de belv�d�re, d'o� le
visiteur peut contempler � loisir les jardins et l'ensemble du p�ristyle
de la cour dite de l'�tat-major.
Les
murs lat�raux de la salle des Troph�es sont couverts de grandes rosaces
aux couleurs �clatantes; des fa�ences vernies garnissent le sol et lambrissent
une partie de la muraille entre chaque fen�tre. Celles-ci sont garnies
de volets � double vantail, rev�tus de miroirs � l'int�rieur et de ravissantes
arabesques en c�dre du c�t� oppos�. Ces arabesques sont d'un haut int�r�t
comme uvre de sculpture sur bois. On dirait des festons ou des d�coupures
appliqu�es sur une surface unie ; ce sont autant de lianes s'enroulant
avec sym�trie et d'un go�t de dessin parfait.
On voit encore dans cette chambre, qui �tait autrefois le logement de
Fatma, fille du bey, un �chantillon fort curieux de l'ancien mobilier:
c'est une applique, pour bougies, ayant la forme d'un coquetier, que l'on
surmontait d'un neuf d'autruche. Cette applique est en bronze dor�, avec
trois branches auxquelles on pla�ait des bougies.
A droite et � gauche du koubou, scell�es dans les parties pleines du mur,
on voit deux plaques en marbre dont la partie sup�rieure, orn�e d'une
sculpture dans le genre italien, contient par ordre chronologique les
noms des g�n�raux qui se sont succ�d� depuis 1837 dans le commandement
de la province de Constantine.
Une autre plaque de marbre, encastr�e � c�t� de la fen�tre qui ouvre sur
le jardin, attire �galement l'attention. On y lit une inscription arabe
sur marbre dont les caract�res en relief et dor�s ressortent d'un fond
vert. C'est la d�dicace d'une Hakouma ou lit de justice que Husse�n bey
inaugura � Dar el bey en 1208 (de d. C. 1793).
En voici la traduction :
"L'�toile du palais s'est lev�e sous d'heureux auspices,
"Et ses parterres se sont embaum�s des parfums de la cassie
"Et le palais merveilleux lui a emprunt� un charme nouveau.
"L'aspect de cet �difice �l�ve l'�me,
"Et les salles qu'il renferme sort brillantes comme autant de jeunes
filles pudibondes,
"Au visage resplendissant, aux regards langoureux, dont les v�tements
sont parsem�s de perles et d'or pur.
"Ce sont des salles magnifiques, dont la splendeur �blouit.
"Gloire � Dieu qui a pr�t� des formes si gracieuses � sa structure
!
"On y reconna�t la main lib�rale de l'illustre bey, du brave des
braves,
"Husse�n, fils de Hassan bey, de sainte m�moire, lequel a trouv�
gr�ce devant l'infinie bont� de l'�ternel.
"Si tu d�sires, lecteur, conna�tre la date de ce monument, prononce
ces mots :
"Construction de Husse�n, le h�ros sans rival."
Ce qu'il y a de plus curieux dans la chambre
que nous visitons, c'est, sans contredit, la collection de troph�es d'armes
et de drapeaux qui garnissent ses murs.
Ce sont l�, en quelque sorte, des archives authentiques perp�tuant le
souvenir des faits d'armes et des exp�ditions de nos troupes dans toutes
les r�gions de la province de Constantine.
L'initiative de cette innovation est due au g�n�ral de Mac-Mahon; elle
a �t� continu�e depuis par ses successeurs. Des fusils, des sabres, des
pistolets, des tromblons et des massues, aux formes les plus diverses,
composent ces troph�es. Plusieurs sont surmont�s de drapeaux en soie rouge,
jaune ou verte, autour desquels des marabouts fanatiques et ambitieux,
pr�chant la guerre sainte, appelaient les populations trop cr�dules. Sur
quelques-uns de ces drapeaux on lit :
IL N'Y A QU'UN DIEU, ET MAHOMET EST SON PROPH�TE.
UN SECOURS VIENT DE DIEU, ET LA VICTOIRE EST PROCHE.
ANNONCE CETTE BONNE NOUVELLE AUX CROYANTS !
Le troph�e de Tougourt contient, outre
les armes, une collection fort curieuse d'instruments de musique, des
tambours en cuivre de grande dimension, des timbales de m�me m�tal, et
enfin des clarinettes enlev�es � Selman, dernier sultan de Tougourt.
Celui de Tebessa se distingue par deux casques en cuivre, dont la forme
rappelle la coiffure des Sarrasins � l'�poque des croisades. Enfin, dans
ceux de Kabylie, on voit des panoplies d'armes blanches du mod�le des
glaives romains et des grandes brettes du moyen �ge, conserv�es de p�re
en fils chez ces populations montagnardes. Nous n'osons rien avancer sur
l'origine des premi�res; mais les secondes proviennent des Espagnols ou
de l'exp�dition du duc de Beaufort � Djidjelli.
Les drapeaux kabyles �taient plut�t un signe de forfanterie ou un point
de ralliement qu'un embl�me religieux invent� par le fanatisme. Aussi
l'�toffe de ceux qui figurent dans le troph�e est-elle de la plus grande
simplicit�. Ce sont, pour la plupart, de simples pi�ces de mouchoirs en
cotonnade, aux couleurs criardes, achet�es sur les march�s � des juifs
brocanteurs.
La provenance de chaque troph�e est indiqu�e par une tablette suspendue
au-dessous des armes, sur laquelle sont inscrits les corps de troupes
qui ont pris part aux diff�rentes campagnes, ou le nom de ceux qui, sur
les rapports, ont �t� signal�s comme s'�tant plus particuli�rement distingu�s.
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