L'armoire de Jean-Claude

 

Bien sûr la ville a changé. Elle s'est considérablement étendue. Moins de 150.000 habitants lorsque je l'ai quittée, il y en a plus d'un million aujourdh'ui.
Beaucoup de monde, beaucoup de voitures surtout et donc une circulation dense dans un centre qui n'était pas fait pour en accueillir autant.
Constantine s'est dotée d'une grande université (Mentouri) et d'une grande mosquée, magnifique monument, comme l'a dit une de nos camarades : "une véritable dentelle architecturale".
Mais le coeur de la ville lui n'a pas changé, avec ses rues étroites qui n'en finissent plus de monter et descendre, le site enserré par les gorges, aux abîmes vertigineux, qui en font une des villes les plus pittoresques au monde et exercent sur le visiteur une envoûtante fascination.
 Laurence, mon épouse qui m'accompagnait, est d'ailleurs tombée sous le charme !

Sur le plan personnel, après plus de 40 ans, que de souvenirs et d'émotions tout au long de la visite de tous ces endroits :

- l'école Victor Hugo et le lycée d'Aumale dans lesquels nous avons pénétré avec Charly.

- le quartier du Coudiat qui a bercé ma jeunesse :
            * la place du musée avec les S que nous dévalions en patins à roulettes
            * l'église du Sacré Coeur où j'ai fait ma première communion
            * la portion de rue du 7 au 11 boulevard Carnot et ses arcades devant lesquelles nous faisions des parties de football acharnées, en pleine rue, qui ne prenaient fin souvent qu'avec l'arrivée d'un motard de la police, alertée par les riverains irrités par notre vacarme ou parfois par un carreau cassé suite à un tir maladroit.
            * puis, un peu plus agés, le café "le Royal" où nous retrouvions les copains.

- la rue Caraman et la rue Rohault de Fleury que, adolescents, nous arpentions sans cesse les Samedis et Dimanches après midis (on allait "faire" la rue Caraman ou la "rue Rol)

- la place de la Brèche où il n'y a plus de marchands de glaces et de créponnets

- les stades Turpin (football) et des Platanes (baskett) où j'ai été frequemment acteur ou spectateur

- la Préfecture où travaillait mon père

- le théatre où nous allions voir les représentations du CRAD et voir danser les jeunes filles de Madame de Neef

- les saveurs retrouvées des brochettes, des ftairs, des créponnets et du lait caillé

- l'évocation de tous ces souvenirs au cours d'un déjeuner avec un ami d'enfance,aujourd'hui médecin à Constantine

- mon ancien coiffeur qui a gardé son enseigne "A la Marguerite"

Enfin et surtout, la visite au cimetière chrétien où, sur la tombe de ma mère, j'ai craqué, submergé par tous ces souvenirs et ces émotions.

Mais l'épisode le plus surprenant est, sans conteste, survenu lors de la visite de mon ancien appartement, avenue Aouti Mostafa (anciennement Anatole France ou route de Sétif).
 L'appartement était occupé par une vieille dame, veuve et dont les enfants étaient partis, qui était donc seule et craintive. Elle ne nous aurait pas reçus sans l'intervention de Madame Ourida Rabia qui nous accompagnait.
Bien sûr, l'agencement des pièces et le mobilier avaient été renouvelés mais je m'y reconnaissais tout de même facilement.
Lorsque, entrant dans une des chambres, la surprise m'a figé.
 Là, en face de moi, il y avait "mon armoire",celle qui avait été dans ma chambre pendant 18 ans. Elle n'était plus dans la même pièce mais elle était toujours là, intacte, elle qui avait abrité toute mon intimité d'enfant puis d'adolescent.
Spontanément, l'effet de surprise passé, j'ai esquissé, par reflexe, un mouvement pour l'ouvrir , comme si, bien sûr, son contenu devait être également resté le même,
mais j'ai heureusement repris mes esprits à temps pour ne pas le faire.
Merci à la vieille dame de l'avoir conservée, 46 ans après, moment magique, "mon armoire" atendait ma visite, témoin de mon enfance et gardienne de mes souvenirs d'une jeunesse heureuse passée dans cette magnifique cité.

PS : je voudrais dire à quel point nous avons été touchés par l'accueil chaleureux de toute la population Constantinoise (commerçants, policiers, passants et notamment les jeunes) qui nous a fait nous sentir "chez nous" et remercier Madame Ourida Rabia qui s'est démenée pour nous permettre de visiter mon ancien appartement et de retrouver un de mes amis d'enfance, Maggy, Charly et Pierre, au moins aussi efficaces que des Tours opérators professionnels avec la touche d'amitié et de sensibilité en plus, et enfin, Serge Gilard qui m'a permis, grâce à son site de connaître ADCHA et ainsi de faire ce voyage.

Jean-Claude Ferri

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