29 Avril 2001

Le patrimoine à Constantine n’est pas épargné par la dégradation - Situation dramatique
Vol, transfert, détournement… le phénomène prend de l’ampleur dans l’ancienne Cirta


La célébration du Mois du patrimoine aura été pour la circonscription archéologique de Constantine l’occasion de sensibiliser la société à la préservation du patrimoine, lequel est soumis un peu partout à la dégradation, au vol et même au transfert. Mais si l’antique Cirta semble être épargnée par ces deux derniers phénomènes, selon les responsables, il n’en demeure pas moins que son patrimoine n’est pas exempt de dégradation. L’intérêt porté par les pouvoirs publics aux "ruines" est presque insignifiant sauf peut-être quand celles-ci offrent une "assiette foncière" convenable à un quelconque projet. Et les exemples sont légion. La construction d’un centre commercial et de locaux administratifs au niveau de la cité Djenane Ezzitoune s’est poursuivie en dépit de l’existence de sarcophages sur le site répertorié comme étant l’un des sites historiques les plus riches. La trouvaille déterrée par les travailleurs du chantier a soulevé un tollé durant l’été 1998. La mobilisation des habitants du quartier aura finalement amené la circonscription archéologique à dépêcher ses équipes sur les lieux. La confirmation de l’existence de traces et de fresques n’a pas pour autant stoppé les travaux. Les constructions décidées initialement s’érigeront quand même sur un sol regorgeant de richesses et d’histoire. Un autre site aussi célèbre que le précédent a échappé in extremis à une situation dramatique. Connu sous le nom d’El Goléa, il est situé à quelques encablures de la commune de Aïn Smara, distante d’une quinzaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya. Les autorités ont failli le transformer en une simple et gigantesque… décharge. Celle de Constantine étant saturée, certains ont vu dans ce site l’endroit idéal pour déposer les 450 tonnes quotidiennes d’ordures ménagères. L’enquête commodo et incommodo a même été élaborée à cet effet. La réaction de la circonscription archéologique soutenue par la population aurait ralenti cette démarche pour qu’en définitive, l’idée soit abandonnée. Du moins pour le moment !D’autres vestiges relatant les étapes historiques de la capitale de l’Est ne bénéficient nullement d’un traitement particulier pour leur préservation. Le cas du viaduc romain, sis sur le même site de Djenane Ezzitoune, illustre à la perfection la situation. C’est devenu un terrain de jeux pour les badauds de la région. Ce qui entraîne sa dégradation, même partielle, alors qu’il est classé monument universel. Tout comme le palais du Bey Ahmed auquel on a réservé beaucoup d’égards, puisque sa restauration fut décidée dès la fin des années 80. Le temple des derniers beys de Constantine a subi d’énormes transformations pendant l’époque coloniale où il faisait office de caserne pour l’armée française. Une fois restauré, le palais devra retrouver son architecture initiale. Une opération délicate, d’autant que la conservation des matériaux d’origine est recommandée. Là encore, les travaux traînent depuis une décennie en raison de l’écueil financier. Le coût de sa remise à neuf estimé à quelques dizaines de millions est mis au compte de l’Etat à hauteur de 60%. Les 40% restants devront être pris en charge par la trésorerie de la wilaya. Une opération qui aurait dû durer deux années seulement… Mais a priori, qui s’en soucie puisque le patrimoine n’est pas considéré à sa juste valeur.

Naïma Djekhar

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