6 mai 2001
         Constantine fête le mois du Patrimoine
          Souika face à la bêtise des hommes
        Le Rhumel entoure Constantine comme un bracelet orne le poignet d'une 
          femme, disait le poète. Mais les temps ne sont plus aux envolées 
          lyriques. La vieille ville de Salah Bey, le bâtisseur, s'écroule, 
          fatiguée de l'indifférence de ses responsables. Le site 
          emblématique tant de fois évoqué lorsque le pittoresque 
          est de mise ne bénéficie d'aucune mesure de protection. 
          Plus grave encore, Souika et victime des contradictions des tenants 
          de la décision.
          Le site a bel est bien été classé patrimoine national 
          en 1992 (voir Le Matin du 25 avril 2001). Cependant, l'affichage jamais 
          réalisé a rendu ce classement caduque. Le président 
          de l'APC de Constantine que nous avons approché dira à 
          ce propos : "Le classement et la restauration des sites historiques 
          ne font pas partie de nos prérogatives. Nos moyens ne nous le 
          permettent pas. Cela relève des compétences de la circonscription 
          archéologique de la ville qui est chargée de ce dossier." 
          Située dans l'enceinte même du palais d'Ahmed Bey, dont 
          les travaux de restauration sont en cours, la circonscription, par la 
          voix de son directeur, Sahi Nouar, se défend de toutes responsabilité 
          du déclassement du site de la vieille ville. Ses propos sont 
          sans équivoque. " Nous avons ficelé puis remis le 
          dossier à l'APC en 1992. A cette époque, les mairies étaient 
          gérées par les délégations exécutives 
          communales qui n'avaient pas procédé à l'affichage 
          indispensable au classement. C'est donc aux services de l'APC que revient 
          le suivi du dossier. " Voilà donc deux institutions, deux 
          sons de cloche. Mais un seul gâchis. Une des plus vieilles ville 
          d'Algérie, la plus typée, hôte de plusieurs civilisations, 
          tombe en ruine. Et ce n'est pas le temps, bouc émissaire tout 
          désigné, le seul déprédateur.
          La partie la plus basse, dégringolant ses venelles pavimenteuses 
          jusqu'au Rhumel, est la plus atteinte. Des quartiers entiers ne sont 
          plus que tas de pierrailles et monticules d'immondices nauséabonds. 
          A cet égard, l'exemple des anciennes maisons de tolérance, 
          aujourd'hui fermées, est " édifiant ". Constantine, 
          aux multiples paradoxes, réputée ville conservatrice, 
          abritait les plus grandes maisons closes du pays. Ces maisons s'étalaient 
          de Rahbet El Djemal sur le plateau jusqu'aux abords du pont de Sidi 
          Rached. 
          Lorsque, en 1990, le FIS dissous avait accédé à 
          la gestion des affaires de la ville, ces maisons de la " honte 
          " furent tout bonnement fermées. Les locataires, les péripatéticiennes 
          avaient même déposé une plainte contre cette mairie. 
          Plainte qui ne connaîtra pas de suite efficiente même si, 
          sur le fond, le verdict rendu daignera reconnaître les droits 
          de ces contribuables. Depuis, ni les DEC successives ni l'actuelle APC 
          ne veulent regarder du côté de ces maisons que la pudeur 
          empêche de voir se transformer en décharge à ciel 
          ouvert, en ruine, en urinoirs.
          Aujourd'hui encore, la mort par empoisonnement en 1792 de Salah Bey, 
          le plus populaire des quarante beys de Constantine, habille de noir 
          les vieilles citadines. Elles portent le deuil du bâtisseur.
        Samir Benmalek
        
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