L´éditorial du 29 mai 2006

En mémoire de la Citadelle

La querelle byzantine qui opposait depuis plusieurs mois les tenants de la « modernisation » du quartier du Coudiat à Constantine aux défenseurs de la sauvegarde du patrimoine culturel et historique de la ville du Vieux Rocher a finalement tourné à l'avantage de ces derniers, par la décision du président de la République de trancher définitivement cet épineux dossier en donnant raison aux seconds. Il est vrai que l'installation d'un réseau de transports moderne à Constantine est devenue indispensable mais encore fallait-il que cela ne se fasse pas au détriment d'une citadelle qui, au cours des âges, a perdu ses repères historiques par la destruction de pans entiers de sa mémoire, quand il fallait, justement, tout faire pour préserver cette mémoire de l'oubli et surtout de la détérioration. Aussi, la décision du président Bouteflika est une décision de bon sens car elle va au-delà du seul souci, certes pertinent, de désengorger la ville, quand d'autres possibilités existent pour ce faire dont celle, jusqu'ici négligée, de déplacer le centre-ville et avec lui l'administration dans la périphérie. Il faut savoir que le Vieux Rocher, le coeur battant de Cirta, où sont concentrés les services administratifs (wilaya, APC notamment) ne représente que le 1/10 de la superficie de Constantine Ce sont donc ces administrations concentrées dans la vieille ville qui posent la problématique du transport et de l'étouffement que connaît l'aînée des villes algériennes. Car, si le Coudiat a été sauvé, in-extremis, cela n'a pas été le cas pour de nombreux lieux historiques, tel la Souika, Sidi Jellis, le Charaâ, (Casbah), Rahbet Essouf, le R'Sif, Rahbet Lajmel, dont ne subsistent plus que des portions, ici et là, eux qui ont porté l'histoire d'une ville près de trois fois millénaire. Voir ce qu'est devenue la Souika, cela fait pitié. Et ce sont ces mêmes administrateurs de la ville qui se sont désintéressés du patrimoine historique de la grande métropole de l'Est, qui ont choisi la solution de facilité consistant à détruire un patrimoine de la mémoire collective constantinoise et algérienne -la prison du Coudiat- pour faire passer une ligne de tramway, à tout le moins douteuse, en tout état de cause triviale, dans le contexte particulier qui est celui de Constantine. Une ville qui, au long des siècles, n'en finit pas de perdre son patrimoine architectural et historique, dont seuls quelques vestiges, ici et là, persistent à en témoigner encore. L'indifférence, singulièrement des édiles de la ville, a contribué à la destruction de pans entiers de la mémoire de la ville, de l'Histoire de l'Algérie que porte en elle Cirta-Constantine. En témoigne la manière avec laquelle la restauration du mausolée de Massinissa a été engagée, ce qui souligne surtout l'incurie, pour ne pas dire l'inculture, d'hommes qui n'ont rien compris à l'Histoire de ce pays dont Cirta-Constantine représente l'indicible condensé.

Karim MOHSEN

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